le in et le off de l'analyse des donnes


Au Festival d'Avignon, il y a le "in" et le "off". Les comédiens de la programmation officielle, qui sont sous les feux des projecteurs sans avoir d'effort à fournir, et ceux des petites salles – la majorité – qui donnent de leur personne pour se produire et glaner un peu d'attention. Le Grand Débat national, c'est un peu ça aussi : une plateforme officielle – "in" – et une plateforme du "Vrai débat" portée par des gilets jaunes, ainsi qu'une multitude d'autres initiatives "off". Pareil pour les réunions locales : certaines rentrent scrupuleusement dans les clous proposés par le gouvernement, d'autres préfèrent se distinguer. Même dans l'analyse des données de la consultation, il y a le in et le off. D'un côté, la mission Grand Débat placée sous l'autorité du Premier ministre et sa myriade de prestataires (voir notre encadré ci-dessous). De l'autre, des démarches spontanées telles que l'Observatoire des débats et la Grande Annotation.

235 débats suivis par des observateurs volontaires

"Mi-janvier, un ensemble d'acteurs et de chercheurs de la participation ont estimé qu'il serait utile de mettre en place une sorte de dispositif citoyen d'observation et de contrôle démocratique de ce qui allait se passer dans le débat, puisqu'au départ on n'avait pas de garanties très claires", a présenté Jean-Michel Fourniau, directeur du Groupement d'intérêt scientifique (GIS) Démocratie et participation, le 12 mars à Grenoble lors des Rencontres nationales de la participation organisées par Décider ensemble avec une vingtaine de partenaires, dont la Banque des Territoires (voir nos autres articles ci-dessous). Le GIS et l'Institut de la concertation et de la participation citoyenne (ICPC), en lien avec le Cevipof, ont donc mis sur pied en quelques jours un Observatoire des débats.
Au 4 mars 2019, sur 200 observateurs volontaires, 86 avaient assisté à une ou plusieurs réunions publiques ; 235 débats ont ainsi été suivis sur 8.400 déclarés sur le site du Grand Débat, soit une couverture de 2,8% des débats.

Une consultation de six mois "aurait permis une plus forte mobilisation"

7.000 questionnaires remplis par des participants ont par ailleurs été recueillis. Parmi les premiers éléments d'observation : des participants plutôt âgés, deux tiers d'hommes environ, peu de jeunes, peu de minorités visibles. Concernant l'ensemble des réunions enregistrées sur le site, "la carte des débats est plutôt une carte urbaine, elle ne correspond pas tellement à cette France périphérique qui s'est d'abord fortement mobilisée", note Jean-Michel Fourniau (voir aussi notre encadré à l'article du 13 mars 2019 "Grand Débat : et maintenant ?"). Quant aux initiateurs, "les élus, à la fois députés et maires, ont organisé plus de la moitié des débats".
La mobilisation sur ces réunions est jugée "forte" - elle devrait être de l'ordre de 500.000 personnes -, donc certes assez "inédite", mais inférieure par exemple au "débat sur l'école mené il y a 15 ans, qui avait duré six mois et touché un million de personnes". Pour le chercheur, il y a un enjeu de "temporalité du débat" : "Ça prend du temps de se dire : moi aussi j'ai voix au chapitre, je peux organiser une réunion. Et deux mois c'est assez court, un délai plus long aurait permis une plus forte mobilisation d'acteurs assez divers."

Numérisation, retranscription, analyse de données de masse… un calendrier serré

Ce manque de temps concerne également la phase de d'analyse - et de "digestion", selon le terme employé par le Premier ministre ce 15 mars sur Europe 1 -, puisqu'il reste quelque trois semaines à la mission Grand Débat, et surtout à ses prestataires, pour pondre les premières synthèses.
C'est concernant les "contributions libres", et en particulier les cahiers citoyens, que le calendrier est le plus tendu. Avant la phase d'analyse, le traitement des données passe en effet par plusieurs étapes de préparation du matériau : numérisation de quelque 500.000 pages - correspondant essentiellement aux 16.000 cahiers citoyens recueillis dans les mairies-, conversion en fichiers texte de documents dactylographiés, transcription des contributions manuscrites en fichiers numériques (voir notre encadré ci-dessous pour le détail).
Après ces étapes, le matériau informatisé peut être livré au consortium piloté par Roland Berger, associé à Bluenove et Cognito, chargé de l'analyse. "Le consortium porté par Roland Berger a commencé son travail d'analyse : 70.000 pages lui ont déjà été livrées. Nous tenons parfaitement les délais", a précisé à Localtis Arnaud Magnier, de la mission Grand Débat, qui pilotait déjà les consultations citoyennes sur l'Europe. 
Comme au Festival d'Avignon, il y aura dans l'analyse des données du Grand Débat des croisements entre le "in" et le "off". A l'invitation du think tank Décider ensemble, une journée réunira le 18 mars, au Conseil économique, social et environnemental, la communauté des "Civic tech" afin d'appréhender les évolutions en cours et de revenir sur le terrain de jeu particulier que constitue le Grand Débat.

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